Réflexion sur l’éducation sociale
Contexte
La présente réflexion sur l’éducation sociale, co-écrite par la fédération des centres sociaux de Charente et l’UDMJC de Charente, se propose comme un complément au plaidoyer « les centres sociaux bâtisseurs de coéducation » de la fédération des centres sociaux de France.
L’ensemble a été présenté lors du temps d’échange « la continuité éducative, mise en œuvre et retours d’expériences », organisé par le SDJES de Charente, le 25 novembre 2022. Les salariés de l’UDMJC et de la fédération des centres sociaux étaient présents, ainsi que Danièle Mittérand qui représentait le conseil d’administration de la fédération des centres sociaux de Charente.
Réflexion sur l’éducation sociale
La place de l’accueil collectif de mineurs dans la continuité éducative
La notion de continuité éducative contient deux idées conjointes. Celle, d’abord, que tous les temps de vie de l’enfant participent à son éducation, et doivent former un tout cohérent, se coordonner entre eux. Celle, ensuite, que chaque temps de la vie de l’enfant a un intérêt pédagogique propre.
Lorsqu’on examine le réel de la continuité éducative, on ne peut ignorer la singularité de ce temps de la vie de l’enfant qui ne dispose ni de la même reconnaissance, ni des mêmes attentes que les autres temps : celui de l’accueil collectif de mineurs. L’accueil collectif de mineurs est au carrefour de tant de difficultés que sa situation semble indémêlable : sous financement, précarité des professionnels, portage institutionnel diffus, défaut de formation initiale et continue, désinvestissement des parents. Toutes ces difficultés font signe vers une une autre difficulté : la méconnaissance de l’intérêt pédagogique que peut avoir ce temps.
L’intérêt pédagogique de ce temps éducatif est, pour nous fédération d’associations prenant en charge des accueils collectifs de mineurs, un levier sur lequel nous pouvons travailler. C’est peut-être le seul levier que nous puissions activer pour voir la situation des accueils collectifs de mineurs s’améliorer. C’est pourquoi nous pensons qu’il nous faut progresser vers une compréhension claire et partagée de l’apport pédagogique propre des métiers de l’animation.
C’est en effet sur la base d’un consensus partagé sur l’intérêt des métiers de l’animation que nos animateurices pourront défendre leurs compétences, que nos associations pourront défendre la qualité de leurs prestations ainsi que leurs coûts, que les institutions tutelles pourront financer et évaluer avec raisons, et que les parents pourront attendre de ce temps autre chose que de garder leurs enfants.
L’éducation sociale comme objectif pédagogique
Quels sont les apports pédagogiques des métiers de l’animation ?
- Les animateurices sont animateurs de coéducation. Mais les cantonner à ce seul rôle serait ignorer l’intérêt pédagogique de leur travail, car cela pourrait signifier qu’ils ne font qu’organiser la coéducation sans être eux-mêmes éducateurs.
- Les animateurices mettent aussi en œuvre une éducation sociale, développent les compétences interpersonnelles (capacité à s’inscrire dans un collectif, à comprendre l’autre…) et intra-personnelles (confiance en soi, compréhension de ses émotions…) des enfants, ainsi que leur capacité à agir sur leur environnement social. La pratique de l’animateurice repose sur cette vieille idée que l’humain·e est un animal politique, et que l’éducation à la vie sociale importe autant que l’éducation disciplinaire, artistique et sportive.
- Alors que la démarche de coéducation est destinée à être partagée par tous les acteurs éducatifs, dans le parcours de l’enfant, l’animateurice est le seul pédagogue à être si clairement positionné sur ce terrain de l’éducation sociale.
Nous redécouvrons ici les objectifs initiaux de l’éducation populaire, affirmés avec force à ses débuts, puis peu à peu oubliés sous les nécessités de l’accueil de masse et de loisirs et de la dépolitisation des métiers de l’animation que cela a entraîné. Ces compétences, il faut les retrouver, les renouveler, et les affirmer :
- Les retrouver, par un effort de formation initiale et continue pour que tous les animateurices soient confiants en leur capacité à développer les compétences sociales des enfants et des jeunes.
- Les renouveler, car la société évolue, et avec elle, les modalités de participation des individus. L’éducation sociale doit favoriser les coopérations entre individus, l’intégration de chacune et chacun et en particulier de celles et ceux qui sont le plus éloignés des normes sociales, et veiller à l’harmonie entre épanouissement individuel et collectif. Les animateurices peuvent probablement d’ores et déjà revendiquer mettre en œuvre une école de la coopération, mais leur pratique doit continuer à s’enrichir des évolutions de la société.
- Les affirmer, par un discours construit sur l’intérêt pédagogique propre de l’éducation sociale, promu auprès des parents, des tutelles institutionnelles, de l’école et des autres acteurs éducatifs.
- Et pourquoi ne pas faire un pas de plus, et proposer à la société un projet éducatif ambitieux, où il s’agit de construire le monde de demain en développant une véritable éducation sociale dès l’enfance ? Une société ou la participation de tous à la vie sociale et politique est rendue possible par des compétences sociales développées dès l’enfance grâce à l’apport pédagogues spécialisés ?
S’affirmer comme acteur de l’éducation sociale
Quand nous pourrons nous affirmer comme acteurs d’éducation sociale et être reconnus comme tels, nous pourrons commencer à discuter d’un financement à la hauteur du service fourni, de conditions de travail à la hauteur des compétences mises en œuvre, et d’une coordination des dispositifs publics à la hauteur des enjeux pédagogiques.
Quand nous pourrons nous affirmer comme acteurs d’éducation sociale et être reconnus comme tels, nous pourrons légitimement nous positionner à côté des autres acteurs de l’éducation comme acteur de coéducation. Ce n’est que lorsque ce temps singulier de l’accueil collectif de mineurs aura un intérêt pédagogique connu et reconnu, que nous pourrons travailler à une forme de coordination fine entre les différents temps éducatifs de l’enfant, et travailler sur les complémentarités pédagogiques entre éducations scolaire, artistique, sportive et populaire. Ce n’est que lorsque l’éducation sociale se verra reconnue, que nous pourrons discuter concrètement de continuité éducative.
Bref, pour pouvoir nous affirmer comme acteurs de coéducation, peut-être nous faut-il en premier pouvoir nous affirmer comme pédagogues ayant un objectif pédagogique clair, utile à l’éducation des enfants et à la société de demain. C’est peut-être le seul levier que nous puissions activer pour voir progresser la situation des accueils collectifs de mineurs.
Retour des participants
Les participantes et participants, pour majorité des coordinateurices enfance, ont écouté notre plaidoyer et répondu à deux questions : « à quoi sert un accueil collectif de mineurs ? » et « qu’apprend-t-on dans un accueil collectif de mineurs ? ».
Les coordinateurices répondent par les idées de connaissance de soi, d’émancipation, de solidarité, d’écoute, de vivre ensemble, d’autonomie et de responsabilité. Cela montre que les coordinateurices partagent nos ambitions, et comprennent leur métier comme un moyen de développer les compétences interpersonnelles et intra-personnelles des enfants.
Sont aussi mentionnées, parmi les réponses, l’idée de découvrir et apprendre, de s’amuser, jouer, et aussi ne rien faire, l’école de la vie, partir en vacances, et l’expérimentation, qui font signe vers les méthodes de l’éducation populaire qui s’inscrit dans les champ du loisir, de la détente, et du choix volontaire. Le soutien à la parentalité est aussi mentionné, car c’est un champ spécifique pour lesquels les animateurs sont fréquemment sollicités.