En début d’interview, Lucien et Miguël ont tout d’abord tenu à préciser qu’ils ne font pas partie d’une communauté, en ce sens où ils ne souhaitent pas être en marge de la société et se considèrent comme étant des citoyens à part entière.
« Nous sommes sédentaires, nous ne partons que deux mois dans l’année. Il y a une minorité de Gens du Voyage qui partent toute l’année. Lorsque nous voyageons, c’est pour partir en quête de travail afin de subvenir aux besoins de notre famille. Mais ces déplacements entraînent des dépenses lourdes ». Ils ont des savoir-faire très divers (bâtiment, artisanat, élagage, etc.) qu’ils peuvent mettre à disposition de la collectivité, mais ils sont pourtant fortement touchés par des problèmes d’emploi. Ils agissent aussi en faveur de l’environnement et contribuent au recyclage, bien souvent au détriment de leur santé. L’espérance de vie des Gens du Voyage est d’ailleurs inférieure de 15 ans par rapport à celle du reste de la population. Lucien et Miguël expliquent cette différence par des conditions de vie difficiles liées au climat ou encore au stress engendré par les contrôles des forces de l’ordre.
La baisse du temps de déplacement annuel des Gens du Voyage répond également à un souci de garantir aux plus jeunes une éducation pour leur assurer un avenir meilleur. Lucien et Miguël soulignent l’importance de transmettre aux jeunes générations leurs connaissances et leurs savoirs. « Grâce à l’éducation, on pourrait changer les choses ». Pourtant, même dans les établissements scolaires, les enseignants ne montrent pas toujours l’exemple et peuvent tenir des propos discriminatoires sur les Gens du Voyage face aux jeunes. « Que feront des gens comme vous à l’avenir ? », est un exemple de paroles prononcées par des professeurs à des jeunes Gens du Voyage. De plus, les enfants des Gens du Voyage connaissent une phase de rébellion en grandissant, entraînée par les difficultés que traversent les familles.
Lucien et Miguël vivent difficilement l’ignorance de la population à leur égard car bien souvent, elle engendre la haine et la peur. « En aucun cas, nous ne voulons nuire à la société, mais nous revendiquons nos droits et notre liberté. Quand on ne bouge pas, on gêne. Quand on voyage, on gêne. Que faut-il faire ? ».
Les Gens du Voyage sont ouverts aux autres. Ils aident notamment les plus démunis en partageant leur nourriture. « Il y a moins de méfiance des Gens du Voyage envers la société, c’est pourquoi, nous nous confions à vous aujourd’hui ». Pourtant, les Gens du Voyage continuent de vivre dans la peur, et contrairement aux idées reçues, ils ont une attitude passive et ne sont pas dans une revendication permanente.
Quels combats faudrait-il mener pour améliorer le quotidien des Gens du Voyage ?
Lucien et Miguël désirent avant tout combattre les préjugés et les discriminations. Selon eux, il faudrait intervenir auprès des plus jeunes dans les écoles pour créer des échanges avec eux, proposer des débats, faire découvrir leur culture, dans l’optique de combattre les idées reçues et toutes formes de stigmatisation. Lucien, qui avait participé à une animation musicale dans une école, se souvient d’une question que lui avait posée un enfant : « Qu’est-ce que vous mangez ? ».
De plus, Lucien et Miguël souhaitent que les Gens du Voyage soient reconnus comme des citoyens français et non plus comme une communauté fermée au reste de la société.
Pour cela, l’un des combats à mener serait de faire reconnaître leur caravane comme étant une habitation. A ce sujet, Sylvia Pinel, Ministre du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité, a demandé à Dominique Raimbourg d’étudier cette question dans le cadre de la Commission Nationale Consultative au cours des six mois qui viennent.
Cette demande de reconnaissance en tant que citoyens français est primordiale aux yeux de Lucien et Miguël car elle permettrait aux Gens du Voyage de ne plus être considérés comme des « hors la loi ».
D’autres combats restent à mener en faveur des Gens du Voyage, dont l’aménagement d’aires de grand passage dans toute la France (actuellement aucune en Charente), ou encore la création de terrains familiaux dans les communes.
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