Formation pour le Clas

Lignes directrices

En réponse à un appel à projets de la Caf et en partenariat avec l’Ireps Nouvelle Aquitaine et l’Udmjc, la fédération des centres sociaux de Charente a organisé, en septembre et octobre 2021, une formation pour les professionnels et bénévoles du contrat local d’accompagnement à la scolarité (Clas). Aux yeux de la fédération, l’appel à projets de la Caf se révélait être une excellente occasion de faire progresser les équipes salariées et bénévoles vers une meilleure mise en œuvre des projets éducatifs des associations d’éducation populaire.

Cet article rappelle les lignes directrices de la formation.

journée de formation théorique

Les apports pédagogiques du métier d’animateur

La formation pour le Clas est née de l’idée que les animateurs sont des pédagogues qui accompagnent les enfants dans la découverte et l’accomplissement de compétences spécifiques, mais que leur métier souffre d’un manque de reconnaissance. Ce défaut de reconnaissance nous apparaît double : d’une part, le monde éducatif peine à reconnaître l’apport du métier d’animateur à l’éducation des enfants et des jeunes, et d’autre part, les animateurs, peinent parfois eux-mêmes à qualifier l’apport pédagogique de leur propre pratique.

Cette difficulté à qualifier les apports pédagogiques du métier d’animateur nous semble être l’une des difficultés du métier d’animateur. Un projet pédagogique aux objectifs clairs et affirmés est en effet un guide essentiel à la bonne conduite d’un atelier. Mais ce projet pédagogique est aussi un support important de la coopération avec les partenaires éducatifs : c’est un support sur lequel peuvent s’appuyer les animateurs pour défendre la spécificité de leur pratique par rapport aux autres acteurs éducatifs du territoire, ainsi que leurs compétences professionnelles propres.

Pour habituer les animateurs à appuyer leur pratique sur des objectifs pédagogiques, la formation pour le Clas leur a proposé d’expérimenter des ateliers aux objectifs pédagogiques clairs et annoncés (atelier « intelligence multiple » et atelier « tatonnement expérimental »), et les a invité à construire un atelier en en commençant par formuler les objectifs qu’ils souhaitent atteindre, avant de choisir les activités qui permettent d’atteindre ces objectifs.

Pour aider les animateurs à qualifier l’intérêt pédagogique de leur métier, la formation a aussi rappelé aux animateurs quelques principes chers à l’éducation populaire qu’ils mettent déjà en œuvre dans leur pratique : principe d’éducation partagée, principe de coopération avec les parents, principe d’éducation sociale, ainsi qu’un aperçu de quelques principes de l’éducation nouvelle.

Principe d’éducation partagée

L’éducation d’un enfant est l’œuvre partagée de la famille, de l’éducation nationale, de l’accueil de loisir, des activités artistiques et culturelles, et de nombreux autres acteurs éducatifs du territoire : « il faut tout un village pour éduquer un enfant ». spécifiques. La place des centres sociaux et des espaces de vie sociale, qui portent la majorité des Clas du département, est néanmoins unique dans cet environnement éducatif partagé car ils sont les principaux promoteurs de la coopération de tous ces acteurs, ils sont « bâtisseurs de coéducation ». Ainsi, la formation a proposé aux animateurs d’échanger sur les objectifs méthodes et moyens de la coopération avec les autres acteurs éducatifs du territoire.

Les différents partenaires peuvent être déclinés en partenaires instutitionnels (caf, ville, communauté de commune), partenaires associatifs (clubs sportifs, associations de parents d’élèves, etc.), partenaires scolaires (directeur, enseignant, CPE, surveillant, AVS, Rased, etc.), partenaires sociaux (assistants et médiateurs sociaux, éducateurs, etc.), et partenaires internes au centre social (référents parentalité, bénévoles, etc.).

Concernant la coopération avec l’école, différentes idées ont émergées de nos discussions :

  • Le référentiel du Clas propose l’organisation d’une réunion de concertation avec les équipes éducatives en amont de la mise en place du projet et lors du bilan. Mais au delà, pour nos associations qui mettent en œuvre l’accueil périscolaire, et sont au cœur de la coopération des acteurs éducatifs d’un territoire, participer aux conseils d’école est un objectif à moyen terme.
  • En cas de difficulté institutionnelle, le « projet éducatif de territoire » (PEDT) peut être un espace de discussion, et la Caf aider à la médiation. En cas de difficulté humaine, il est possible de se réferer aux principes de la communication non violente (dire « moi, j’ai le sentiment que… » plutôt que « il faut que… »), et de l’écoute active (accompagner son partenaire dans l’expression de ses idées par la reformulation).
  • Certaines activités peuvent enclencher la coopération avec l’école : les sorties extra-scolaires, les fêtes de fin d’années, les formations communes aux animateurs et enseignants, les projets transversaux. L’idée d’un journal du Clas, d’un jardin partagé et de débats ont aussi été avancées comme exemples d’activités qui fédèrent.

Principe de coopération avec les parents

Dans le même esprit d’éducation partagée, le métier d’animateur consiste à associer les parents aux activités des enfants. Il s’agit là d’une ambition fondamentale : le principe d’animation globale. Il s’agit en effet de ne pas diviser les publics en catégories, mais au contraire d’associer les habitants autour de projets communs. Ce n’est pas un hasard si autant de centres sociaux et espaces de vie sociale sont porteurs de Clas : la collaboration des animateurs du Clas avec le référent famille du centre social est en effet justifiée par le projet social des centres sociaux.

La coopération des animateurs du Clas avec les parents est aussi fondée sur le constat d’inégalités scolaires qui se reproduisent de génération en génération. Dans certaines familles, la réussite des enfants suppose peut être de réconcilier les parents avec l’école. Pour reprendre les formules du référentiel du Clas, il s’agit alors de « les doters d’une meilleure connaissance de l’école », « les familiariser avec un vocabulaire et des activités scolaires », « leur donner des clés de compréhenion et les outils nécessaires pour mieux suivre le travail de leurs enfants ». Dans d’autres familles, peut-être faut il favoriser la curiosité culturelle favorable à la réussite scolaire. Dans tous les cas, l’association des parents est un facteur de réussite des enfants.

Outre l’ambition sociale, la coopération avec les parents répond à une nécessité psychologique. Le regard des parents sur le travail de leurs enfants est source d’épanouissement tant pour les uns que pour les autres. Le psychanalyste François Camou nous a aussi alerté sur le fait que les enfants peuvent être sujet d’un conflit de loyauté lorsqu’ils constatent que leur pédagogue et leur famille expriment des principes contradictoires. Le conflit de loyauté s’atténue lorsque les enfants constatent que pédagogues et parents travaillent ensemble. Parfois, il est difficile d’associer les parents. Dans ce cas, « un geste suffit », tel un signe de main pour les saluer. Parfois aussi, face à certaines difficultés familiales, nous manquons de mots. Nous pouvons alors dire à l’enfant « ils font ce qu’ils peuvent tes parents », et rester ainsi symboliquement solidaires des parents.

Principe d’éducation sociale

Pour décrire les apports spécifiques du métier d’animateur, nous avons découvert, grâce à la conférence de l’Ireps sur les compétences psycho-sociales et l’atelier des octofuns sur la théorie des intelligences multiples. Celle-ci s’appuie sur l’idée qu’il n’y a pas qu’une, mais plusieurs formes d’intelligences. Vu sous cet angle, il apparaît que l’éducation nationale s’attache principalement au développement des intelligences logico- mathématiques et linguistiques. D’un autre côté, les associations d’éducation artistiques et sportives permettent de développer spécifiquement les intelligences musicales, spatiales et corporelles-kinesthésiques. Nous découvrons ainsi que l’éducation populaire s’attache principalement à développer les compétences interpersonnelles et intra-personnelles. Aucun acteur éducatif n’a donc le monopole de l’éducation, mais chacun accompagne l’enfant vers le développement de compétences spécifiques. Et dans cet éventail éducatif, l’apport de l’éducation populaire est essentiel à l’épanouissement des jeunes ainsi qu’à la bonne santé des sociétés futures.

Cette théorie permet aussi de valoriser la coopération plutôt que la compétition, puisque, pour réunir toutes les formes d’intelligences, il faut réunir plusieurs personnes. Ainsi, dans un collectif, chacun est à même d’apporter ses compétences propres, et si l’un est doué pour les compétences requises à l’école, l’autre peut exceller en d’autres formes d’intelligence. Les ateliers coopératifs nécessitant le déploiement d’un éventail de compétences peuvent donc permettre d’apporter à certains enfants une reconnaissance sociale qu’ils peinent à trouver à l’école.

Principes d’éducation nouvelle

Pour aborder les méthodes spécifiques du métier d’animateur, nous avons découvert quelques exemples d’ateliers de l’éducation nouvelle. Ainsi, la discussion sur la pédagogie institutionnelle, les ateliers de l’institut Freinet construits autour du tatonnement expérimental, et l’exemple de l’ALSH émancipateur. nous ont permis de discuter de la posture de l’animateur : plutôt que d’être en position de sachant transmettant son savoir, il propose aux enfants d’expérimenter et de découvrir par eux-mêmes ; plutôt que d’être un organisateur des activités des enfants, il est l’organisateur d’un contexte dans lequel les enfants peuvent faire l’expérience de la liberté et de l’autonomie.

Ces méthodes partagées par la pédagogie nouvelle et l’éducation populaire permettent de travailler spécifiquement les intelligences intra-personnelle (en se découvrant capable de découvrir un savoir par soi-même), et interpersonnelle (en découvrant que l’on peut apprendre en coopérant, et que l’on peut agir sur son environnement social). Mais les cahiers d’expérimentations sont aussi des moyens de manipuler de façon ludique des concepts physiques et mathématiques.

Le métier d’animateur et le référentiel du Clas

Il nous apparaît au terme de la formation que la pratique professionnelle de l’animateur répond point par point aux axes principaux du référentiel du Clas. Ou, dit autrement, que le référentiel du Clas semble être écrit spécifiquement pour faire valoir la pratique professionnelle de l’animateur, et l’insérer dans le parcours éducatif institutionnel. Ce référentiel indique en effet :

« Le contrat local d’accompagnement à la scolarité s’adresse aux enfants scolarisés du CP au lycée qui ne disposent pas dans leur environnement familial et social de l’appui et des ressources pour s’épanouir et réussir à l’école, et pour lesquels un besoin a été repéré en concertation avec les établissements scolaires. »

Cette introduction définit les deux orientations pédagogiques souhaitées pour le Clas : pour remédier aux inégalités scolaires, il faut d’abord remédier aux inégalités sociales et culturelles, et pour réussir à l’école, il faut d’abord s’y épanouir. Ces orientations générales sont ensuite déclinées en quatre axes :

  • Un axe de concertation locale : outre l’école, de nombreux partenaires aux compétences spécifiques proposent des activités pédagogiques et participent à l’éducation partagée des enfants et des jeunes.
  • Un axe de concertation et de coordination avec l’école : l’éducation des enfants n’est pas le seul fait de l’école et des parents, l’accueil périscolaire et les activités sportives et de loisirs y prennent aussi part, car elles permettent de développer la coopération et des formes d’intelligences parfois délaissées par l’école.
  • Un axe d’intervention auprès des parents : l’association des parents est un facteur de réussite des enfants, parce que cela peut permettre de réconcilier les parents avec l’école, parce que c’est un moyen pour éviter les conflits de loyauté, parce que c’est tout simplement source d’épanouissement des enfants comme des parents.
  • Un axe d’intervention auprès de jeunes : le Clas n’a pas pour vocation d’être un temps d’aide aux devoirs, il aspire plutôt à être un temps où les jeunes « élargissent leurs centres d’intérêts » dans la découverte de la culture et de la vie collective, et « mettent en valeur leurs compétences », notamment au sein d’un collectif qui valorise l’entraide.

Via ces quatre axes, le référentiel du Clas promeut donc les objectifs et les méthodes inhérentes au métier d’animateur. Il ne dépend qu’aux associations d’éducation populaire de s’en saisir pour proposer des projets pédagogiques ambitieux aux enfants, à leurs parents, à l’école, et aux autres acteurs éducatifs du territoire !

Prolongements et liens

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